Dans les vignes, la taille n'avance pas assez vite en raison du froid, du Covid, des bronchites et des grippes. Les tuyaux d'irrigation pour le goutte à goutte ne sont toujours pas arrivés, les tranchées destinées à les abriter ne peuvent donc pas être bouchées.
Dans ces conditions impossible de faire le tour de la parcelle pour la clôturer et protéger les arbustes contre les sangliers, impossible de planter des arbres qui seraient arrachés par les cochons en quête de lombrics et d'humidité.
Impossible d'avancer car tout est figé, impossible car c'est bloqué. Impossible car c'est facile de tout justifier avec un seul mot. Impossible est un concept que mon esprit sait contourner, voire broyer, mais qu'il accepte quand il est grippé.
Dans cette situation et uniquement quand tout est bloqué et figé autour de moi je sors le “tutu rose!”
Revêtir la tenue de ballerine et esquisser un entrechat dans un mouvement aérien est au-delà de mon entendement normal. Imaginer 90kg de viande ridiculement ventrue et poilue dans un justaucorps prêt à exploser ne me dérange pas, mais cela m'est impossible si c'est moi dont il s'agit. Ma raison le refuse net. Impossible d'apposer mon visage sur mon corps en “tutu rose”.
Cet exercice de visualisation, pourtant simple, provoque un blocage immédiat. Impossible pour mon imaginaire de dépasser cet écueil sans une concentration importante. Vous n'imaginez pas combien je suis enfin satisfait quand, dans un justaucorps bedonnant, je vois pendre mes jambons “à la grande barre”. Peu m'importe la taille du tutu, je sais que mon esprit est restauré. Le “tutu rose”, c'est mon dégrippant, intellectuel mon “Vade retro impossibilitas!”
Alors reprenons.
Les arbres sont en sécurité, au chaud, chez le pépiniériste, les tuyaux sont chez le fournisseur (que j'habillerai dorénavant d'un “tutu rose”, pour continuer à lui sourire sincèrement). Les maçons ont achevé les premiers travaux dans le lieu d'accueil et les autres artisans prennent le relais. On a du retard dans les vignes mais le froid renforce l'effet de dormance des ceps. Le manque d'eau agit aussi sur ce phénomène et nous pourrons ainsi achever de tailler début avril.
Concernant le salon professionnel de Millésime Bio ma tenue est très (trop?) classique et je n'ai pas besoin (ouf!) du “tutu rose” sur le stand. Les nouveaux millésimes et l'éclat du fruit conviennent à de nombreux importateurs. Les vins sans IG, de plus en plus présents dans notre gamme, séduisent nos clients qui préfèrent ce type de vin et c'est une voie qui nous convient pleinement.
Pour faire face à ce qui nous attend tous et éviter de sombrer dans la morosité la plus noire, je vous invite à vous rallier à mon mon “tutu rose” car “l’autodérision est un excellent système de défense contre les autres et surtout contre soi-même. Elle annule toutes les attaques venant de l'extérieur et permet, paradoxalement, de se guérir avant d'être malade.” Simon Berryer, dit Sim
Bises,
Laurent Maynadier